Le contentieux éolien a véritablement le vent en poupe. Outre le fait que récemment, comme on a déjà pu le commenter, la juridiction administrative a admis l’impact de la présence d’éoliennes sur la taxe foncière des riverains, le Conseil d’Etat a récemment eu l’occasion de rappeler les règles de compétences aux seins des juridictions administratives face au contentieux éolien (CE, 5 mai 2021, n° 448036).
L’article R. 311-5 du code de justice administrative : à l’origine d’une réforme du contentieux éolien
Dans sa dernière version, issue de l’article 23 du décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 relatif aux éoliennes terrestres, à l’autorisation environnementale et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit de l’environnement, l’article R. 311-5 du code de justice administrative confie aux cours administratives d’appel, en premier et dernier ressort, le contentieux d’un certain nombre de décisions relatives auxdites éoliennes, classées au titre de l’article L. 511-2 du code de l’environnement.
L’objectif de cette réforme est de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de projets d’éoliennes terrestres.
Autrement dit, cela s’inscrit dans le cadre de la politique de développement des énergies renouvelables.
Et, depuis l’entrée en vigueur du nouvel article R. 311-5 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat précise régulièrement le champ d’application de ces dispositions. Il dessine ainsi les contours de la compétence en premier et dernier ressort des juridictions administratives d’appel.
Une conception jurisprudentielle extensive de la compétence des cours administratives d’appel en matière éolienne
En effet, une conception jurisprudentielle extensive de la compétence éolienne des cours administratives d’appel ressort des premières décisions du Conseil d’Etat.
Cette lecture est systématiquement justifiée par la volonté de poursuivre l’objectif gouvernemental de réduction du délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de projets d’éoliennes terrestres :
« Les dispositions de l’article R. 311-5 du code de justice administrative ont pour objectif de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de projets d’éoliennes terrestres en confiant aux cours administratives d’appel le jugement en premier et dernier ressort de l’ensemble du contentieux des décisions qu’exige l’installation de ces éoliennes. Ces dispositions impliquent que les cours administratives d’appel connaissent également de celles des mesures de police, prises sur le fondement des articles L. 171-7 et L. 181-16 du code de l’environnement, qui sont la conséquence directe d’une des autorisations mentionnées à l’article R. 311-5, de la modification d’une de ces autorisations ou du refus de prendre l’une de ces décisions » (CE, 9 octobre 2019, n° 432722).
Autrement dit, pour le Conseil d’Etat, le contentieux des mesures qui sont la conséquence directe d’une décision relevant de la compétence en premier et dernier ressort des cours administratives d’appel en vertu de l’article R. 311-5 du code de justice administrative, relève nécessairement des cours administratives d’appel.
Il en est, ainsi, le cas par exemple pour le contentieux relatif à l’annulation de l’arrêté par lequel un préfet a mis en demeure l’exploitant de présenter une nouvelle demande d’autorisation environnementale en raison de la modification substantielle de son parc éolien (CE, 9 octobre 2019, n° 432722).
Et, le Conseil d’Etat poursuit dans cette voie, retenant encore et toujours une lecture extensive des dispositions de l’article R. 311-5 du code de justice administrative.
La lecture toujours plus extensive de la compétence des cours administratives d’appel pour le contentieux éolien
Dans une décision récente, le Conseil d’Etat, s’appuyant toujours sur l’objectif poursuivi par l’article R. 311-5 du code de justice administrative, à savoir la réduction du délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de projets d’éoliennes terrestres, poursuit son œuvre prétorienne en faveur de la compétence des cours administratives d’appel.
Il en ressort que dès lors qu’un contentieux porte notamment sur l’occupation du domaine public pour la réalisation d’installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent classées au titre de l’article L. 511-2 du code de l’environnement, alors il y a lieu d’en attribuer la compétence à la cour administrative d’appel (CE, 5 mai 2021, n° 448036).
La solution retenue en l’espèce pourrait surprendre puisqu’à l’origine, la délibération communale contestée portait sur :
– la division d’une parcelle relevant du domaine privé de la commune et différentes conventions à passer avec la société porteuse d’un projet de parc éolien, en vue de lui concéder une partie de ce terrain par bail emphytéotique rural et d’instituer diverses servitudes portant sur le domaine privé de la commune ;
– l’autorisation accordée à la société porteuse d’un projet de parc éolien d’occuper une voie communale pour le passage de convois, les renforcements et élargissements de voirie ainsi que le passage de câbles électriques.
Par conséquent, le Conseil d’Etat considère que dans la mesure où les cours administratives d’appel ont compétence en premier et dernier ressort de l’ensemble du contentieux des décisions qu’exige l’installation de ces éoliennes :
« il résulte de ces dispositions que les cours administratives d’appel sont compétentes pour connaître des autorisations d’occupation du domaine public au sens de l’article R. 2122-1 du code général de propriété des personnes publiques, de la modification d’une de ces autorisations ou du refus de les prendre ainsi que des actes permettant la conclusion de conventions autorisant l’occupation du domaine public dès lors que ces décisions sont relatives aux installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent classées au titre de l’article L. 511-2 du code de l’environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu’aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés » (CE, 5 mai 2021, n° 448036).
Nous pouvons donc considérer que le contentieux de toutes les décisions, qui se rapportent de près ou de loin aux installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent classées au titre de l’article L. 511-2 du code de l’environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu’aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés,relève en premier et dernier ressort des cours administratives d’appel.
Panorama actuel des compétences juridictionnelles en matière de contentieux éoliens
Compétence de la juridiction administrative
Compétence des cours administratives d’appel
La cour administrative d’appel sera compétente pour connaître de tout recours contre toutes les décisions relatives aux installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent classées au titre de l’article L. 511-2 du code de l’environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu’aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés.
Compétence des tribunaux administratifs
En toute logique, le tribunal administratif reste compétent pour tous les autres litiges, soit tous les litiges non liés aux installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent classées au titre de l’article L. 511-2 du code de l’environnement.
C’est, notamment, le cas du contentieux de décharges des cotisations de taxe foncière.
Compétence de la juridiction judiciaire
La juridiction judiciaire connaitra de tous les litiges relatifs aux rapports privés, notamment, par exemple, la question du trouble anormal du voisinage (Cour de cassation, 17 septembre 2020, n° 19-16.937).
Le contentieux éolien se complexifie, ainsi, au regard de la répartition des compétences juridictionnelles.
Avant tout recours, il est, par conséquent, préconisé de se rapprocher de votre avocat expert pour éviter toute fausse route.