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Quels pouvoirs de la commune et du maire face à l’installation des compteurs Linky ?

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Compteur Stop Linky

Face à l’installation des compteurs Linky par Enedis, les communes sont toujours sollicitées par leurs administrés pour s’y opposer. Pour autant, la marge de manœuvre est extrêmement réduite, la jurisprudence administrative balise bien les pouvoirs respectifs de la commune et du maire.

Au regard des jurisprudences récentes et encore nombreuses, tant ce sujet d’actualité est délicat et concentre craintes des administrés et enjeux locaux, il est utile de faire un panorama des règles applicables et des pouvoirs de la commune et du maire.

Le fondement juridique de l’installation des compteurs Linky : une obligation légale pour Enedis

L’installation et le déploiement de compteurs intelligents Linky résulte de la transposition de la directive européenne n°2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009. Ainsi, l’article L. 341-4 du code de l’énergie dispose, notamment, que : 

« Les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité mettent en œuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l’année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée.

Dans le cadre du déploiement des dispositifs prévus au premier alinéa du présent article et en application de la mission fixée au 7° de l’article L.322-8, les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité mettent à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d’alerte liés au niveau de leur consommation, ainsi que des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques basées sur les données de consommation locales et nationales. Un décret précise le contenu des données concernées ainsi que les modalités de leur mise à disposition.

(…) 

Les cahiers des charges des concessions et les règlements de service des régies de distribution d’électricité doivent être en conformité avec les dispositions du présent article ». 

En outre, aux termes de l’article L. 322-8 du code de l’énergie

« Sans préjudice des dispositions du sixième alinéa du I de l’article L.2224-31 du code général des collectivités territoriales, un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies : (…) 7° D’exercer les activités de comptage pour les utilisateurs raccordés à son réseau, en particulier la fourniture, la pose, le contrôle métrologique, l’entretien et le renouvellement des dispositifs de comptage et d’assurer la gestion des données et toutes missions afférentes à l’ensemble de ces activités (…) ». 

L’installation des compteurs Linky résulte d’une obligation légale. 

Les pouvoirs du maire et de la commune face à la demande d’installation de compteurs Linky

L’impossible recours au pouvoir de police du maire et au principe de précaution pour s’opposer à l’installation de compteurs Linky

A ce jour, le Conseil d’État juge de manière constante que ni les pouvoirs de police générale, ni le principe de précaution n’autorisent le maire ou le Conseil Municipal, à prendre la décision de suspendre l’installation des compteurs Linky sur le territoire communal :

« 9. Il appartient ainsi aux autorités de l’État de veiller, pour l’ensemble du territoire national, non seulement au fonctionnement optimal du dispositif de comptage au vu notamment des exigences d’interopérabilité mais aussi à la protection de la santé publique par la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques, en mettant en œuvre des capacités d’expertise et des garanties techniques indisponibles au plan local. Dans ces conditions, si les articles L. 2212 1 et L. 2212 2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait adopter sur le territoire de la commune des décisions portant sur l’installation de compteurs électriques communicants qui seraient destinées à protéger les habitants contre les effets des ondes émises.

[…]

11. Il résulte de ce qui précède que ni les pouvoirs de police générale, ni le principe de précaution n’autorisaient le maire de Cast à prendre la décision de suspendre l’installation des compteurs dits « Linky » sur le territoire de la commune. Par suite, la cour administrative d’appel n’était pas tenue de répondre à l’argumentation, inopérante, soulevée devant elle par la commune et tirée de ce que les ondes émises par ces compteurs feraient courir aux habitants des risques sanitaires justifiant que leur installation soit suspendue en application du principe de précaution. Le moyen tiré, sur ce point, de l’insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué ne peut donc qu’être écarté. Il en va de même de l’erreur de qualification juridique des faits et de la dénaturation des pièces du dossier que la cour administrative d’appel aurait commises en écartant implicitement une telle argumentation » (CE, 11 juillet 2019, Enedis c/ Commune de Cast, n°426060). 

Les pouvoirs de police du maire ne l’autorisent donc pas à bloquer le déploiement des compteurs LInky sur le territoire de sa commune.

L’incompétence du conseil municipal pour s’opposer à l’installation des compteurs Linky

Le Conseil d’État précise que dès lors que la commune a transféré sa compétence en la matière à un syndicat départemental, elle est incompétente pour vérifier, d’une part, la bonne exécution des opérations de déploiement des compteurs Linky et, d’autre part, le sort réservé aux compteurs :

« 3. D’autre part, aux termes du premier alinéa de l’article L. 322-4 du code de l’énergie : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 324-1, les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Electricité de France, ont fait l’objet d’un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. ». Aux termes du deuxième alinéa du IV de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales : « L’autorité organisatrice d’un réseau public de distribution, exploité en régie ou concédé, est la commune ou l’établissement public de coopération auquel elle a transféré cette compétence (…) ». 

4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité est attachée à la qualité d’autorité organisatrice de ces réseaux. En conséquence, lorsqu’une commune transfère sa compétence en matière d’organisation de la distribution d’électricité à un établissement public de coopération, celui-ci devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune et propriétaire des ouvrages des réseaux en cause, y compris des installations de comptage visées à l’article D. 342-1 du code de l’énergie.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la compétence en matière d’organisation des réseaux publics de distribution d’électricité dans la commune de Bovel a été transférée, le 1er mars 2010, au syndicat mixte départemental d’énergie 35. Par suite, à compter du transfert de cette compétence, le syndicat mixte est devenu, en qualité d’autorité organisatrice du service public de distribution d’électricité sur le territoire de la commune de Bovel, propriétaire des ouvrages affectés aux réseaux de distribution de cette commune, notamment des compteurs électriques qui y sont installés. Dès lors, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, par un arrêt suffisamment motivé, que la commune de Bovel n’était pas propriétaire des compteurs électriques installés sur son territoire. 

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bovel n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. En conséquence, ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées » (CE, 28 juin 2019, Commune de Bovel, n°425975). 

Ainsi, une commune, quelle que soit la forme choisie, arrêté du Maire ou délibération du Conseil Municipal, est incompétente, tant pour s’opposer à l’installation des compteurs Linky sur son territoire que pour en réglementer son installation. 

L’incompétence de la commune et du maire pour s’opposer au déploiement des compteurs Linky est aujourd’hui consacrée et régulièrement rappelée en jurisprudence

Les juridictions de fond sont unanimes et se sont appropriées la jurisprudence du Conseil d’État.

Ni la commune, ni le maire ne sont compétents pour s’opposer à l’installation par Enedis des compteurs Linky.

« Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité est attachée à la qualité d’autorité organisatrice de ces réseaux. En conséquence, lorsqu’une commune transfère sa compétence en matière d’organisation de la distribution d’électricité à un établissement public de coopération, celui-ci devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune et propriétaire des ouvrages des réseaux en cause, y compris des installations de comptage visées à l’article D. 342-1 du code de l’énergie.

6. Il est constant que la commune de Tarnos est membre du syndicat mixte d’électrification du département de la Haute-Garonne, lequel assure notamment la mission de pouvoir concédant et d’autorité organisatrice en matière de distribution publique d’énergie électrique. Par suite, à compter du transfert de cette compétence, le syndicat mixte est devenu, en qualité d’autorité organisatrice du service public de distribution d’électricité sur le territoire de la commune de Tarnos, propriétaire des ouvrages affectés aux réseaux de distribution de cette commune, notamment des compteurs électriques qui y sont installés. Dès lors, et contrairement à ce que soutient la commune de Tarnos, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a jugé que celle-ci n’était pas propriétaire des compteurs électriques installés sur son territoire et que le maire n’était dès lors pas compétent, sur le fondement des textes cités au point 4, pour fixer des conditions au déploiement des compteurs  » Linky  » sur le territoire communal » (CAA de Bordeaux, 8 octobre 2020, 18BX01121).

En l’état, donc, la commune et le maire ne disposent d’aucune compétence pour interdire l’action d’Enedis sur son territoire pour déployer les compteurs Linky.

Que faire face à l’installation des compteurs Linky ?

Bien évidemment, la question des compteurs Linky n’en demeure pas moins sensible et d’actualité au niveau local et, régulièrement, les administrés interrogent les maires sur cette problématique.

Même si aucun texte ne permet à la commune de bloquer l’installation des compteurs Linky, la jurisprudence a ouvert une brèche.

La commune peut, par délibération, formuler certaines préconisations et rappeler la marge de manœuvre des administrés confrontés à l’installation d’un compteur Linky :

« 4. Par la délibération en litige n° 2016.05.02 du 24 mai 2016 relative au déploiement des compteurs  » Linky « , le conseil municipal de Billère, après en avoir délibéré,  » Réaffirme le principe de précaution, / Demande à ErDF de surseoir au déploiement en l’attente de données des expertises en cours, / Demande à ErDF de reconnaître formellement le droit des usagers à refuser une installation individuelle ou collective (accord de la copropriété nécessaire), sans contrainte ni sanction sur les tarifs, / Précise qu’aucun compteur  » Linky  » ne sera installé sur les bâtiments publics de la ville de Billère, / S’engage à favoriser le débat public sur ce sujet sous la forme de réunion publique d’information, d’articles dans le bulletin municipal, de publication sur le site de la ville d’informations des différentes parties, / Mettra en place une commission élargie de suivi composée d’élus, de représentants d’associations et habitants de la ville. « . 

5. Cette délibération, qui se contente de rappeler le principe de précaution et de préconiser diverses actions à mener, auprès d’ErDF ou des habitants de la commune, dans le cadre de la prochaine installation des compteurs  » Linky  » chez les usagers du service public de distribution d’électricité, ne crée, en tant que telle, aucune règle de droit et notamment, contrairement à ce que soutient la société requérante, n’a pas pour objet d’organiser le service public de la distribution d’électricité ou la mission de service public confiée à Enedis en sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution. Cette délibération n’a ainsi pas le caractère d’un acte réglementaire dont la société requérante pourrait demander l’abrogation, après l’expiration du délai du recours contentieux, en raison de l’illégalité qui l’aurait entachée dès son adoption. Par suite, les conclusions tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le maire de la commune a rejeté la demande que la société Enedis lui a présentée le 12 avril 2017 tendant à ce qu’il soumette l’abrogation de cette délibération au conseil municipal en raison de l’illégalité qui l’aurait entachée dès l’origine ne sont pas recevables » (CAA de Bordeaux, 8 octobre 2020, 18BX04005). 

Autrement dit, tant que l’acte municipal s’apparente à une recommandation, c’est à dire, un acte non créateur d’une règle de droit, la communication municipale sur l’installation de compteurs Linky est possible.

Attention, en l’état, cette jurisprudence doit être prise avec des pincettes puisque, d’une part, non généralisée et, d’autre part, non confirmée par le Conseil d’État.

Sous cette réserve, il est toujours possible et recommandé de rappeler les droits et obligations de chacun

Ainsi, rien n’empêche la commune de rappeler aux administrés leurs droits tels qu’ils résultent de la jurisprudence, qui, attention, est loin d’être stabilisée. 

En l’occurrence, la jurisprudence admet, dans certaines hypothèses, strictement encadrées, la possibilité de s’opposer à l’installation d’un compteur Linky, en raison des risques liés à l’électro-sensibilité et à l’intolérance aux champs électromagnétique (en ce sens Cour d’appel de Grenoble, 1ere chambre, 10 mars 2020, n° 19/03354).

De même, un administré est susceptible de réclamer à Enedis l’installation d’un dispositif de filtre pour être protégé des champs électromagnétiques générés par la bande CPL associée au compteur Linky (TGI Bordeaux, ordonnance de référé du 23 avril 2019, n° 9999). L’ordonnance est, récemment, confirmée par la Cour d’appel de Bordeaux (Cour d’appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 17 novembre 2020, n° 19/02419)

Enfin, il est toujours utile de rappeler que les administrés peuvent toujours refuser de laisser entrer sur leur propriété les agents mandatés pour l’installation du compteur Linky. Les agents ne sont pas autorisés à pénétrer sans autorisation sur la propriété privée.

Bien évidemment, cette autorisation préalable ne vaut que lorsque le compteur se situe sur la propriété privée.

Attention, en droit, la société Enedis sera, toujours, en mesure d’introduire une action pour obtenir l’autorisation de pénétrer dans les lieux. Même si, à ce jour, nous n’avons pas connaissance de telles actions judiciaires, leurs chances de succès sont grandes.

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