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Une commune peut-elle recevoir un don ?

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don à une commune

Si les dons ou legs constituent une opportunité patrimoniale ou pécuniaire pour la commune, dans certaines circonstances, l’opération peut s’avérer catastrophique.

Il convient, donc, d’y réfléchir à deux fois avant acceptation d’une telle libéralité.

Qui accepte le don ou le leg fait à la commune ?

Le conseil municipal statue, par délibération, sur l’acceptation des dons et legs faits à la commune (article L.2242-1 du code général des collectivités territoriales).

Le maire a toujours le droit, à titre conservatoire, d’accepter les dons et legs et former, avant l’autorisation, toute demande en délivrance (article L. 2242-4 du code général des collectivités territoriales). Autrement dit, une délibération du conseil municipale sera toujours nécessaire.

Et, aux termes de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, le maire peut être habilité par le conseil municipal à accepter les dons et legs qui ne sont grevés ni de conditions ni de charges.

Autrement dit, la compétence pour accepter des dons et legs est répartie entre le conseil municipal et le maire en fonction de l’existence ou non de conditions ou charges grevant la libéralité.

La commune doit-elle automatiquement accepter les dons ou legs ?

Notre conseil : que la libéralité proposée à la commune soit ou non grevée de conditions ou de charges, la collectivité doit toujours rester vigilante et ne pas accepter automatiquement les dons ou legs reçus même si à première vue cette libéralité serait susceptible d’accroître son patrimoine.

L’évaluation préalable nécessaire du don ou leg reçu par une commune

Première étape et non des moindre, avant acceptation du don ou leg : bien évaluer les conséquences attachées à cette donation.

Si d’apparence, un don ou un leg peut être une opportunité, la réalité peut être moins heureuse.

Deux étapes dans cette évaluation :

– l’analyse du don ou leg ;

– l’analyse, le cas échéant, des charges et conditions grevant la libéralité. 

L’analyse des dons ou legs

A ce stade, il s’agit, pour la commune bénéficiaire d’une donation, d’identifier l’enjeu ou les enjeux.

Autrement dit, lorsqu’il est question de la donation ou du leg d’un bien et non d’une somme d’argent, il est conseillé d’auditer le bien, d’étudier le coût définif de l’acceptation, par exemple, si c’est un bien mobilier :

– de sa mise aux normes,

– d’entretien,

– etc …

L’objectif est de déterminer avec précision le coût réel prévisible pour la commune du don ou du leg, et, ainsi, d’identifier ou non l’opportunité d’accepter cette donation en fonction de la destination possible du bien.

L’analyse des charges et conditions susceptibles de grever le don ou leg

La prudence est d’autant plus de mise dès lors que le don ou leg est grevé de conditions et charges.

Par exemple, ces charges et conditions peuvent être liées à l’affectation du bien dans le patrimoine de la commune..

D’expérience, de nombreux artistes proposent de donner leurs œuvres à une commune, sous réserve que cette dernière construise un musée pour assurer l’exposition desdites œuvres.

De même, nous avons rencontré le cas d’une personne léguant un bien immobilier sous réserve que ce dernier soit affecté à une activité d’intérêt communal, excluant, en revanche, un grand nombre d’activités municipales.

Il faut, donc, comprendre qu’une libéralité assortie de conditions et charges peut, in fine, faire perdre tout intérêt au don ou au leg.

Notre conseil est donc, dans ce cas, d’identifier les tenants et aboutissants de ces conditions et charges et, ainsi, déterminer si elles sont ou non surmontables pour la commune bénéficiaire de la libéralité.

A cet égard, la commune sera contrainte de refuser une libéralité dans le cas où la charge imposée est impossible à réaliser car échappant à ses compétences. Le principe de spécialité s’applique.

De même, toute condition ou charge qui impliquerait pour la commune de commettre une illégalité empêchera la commune de recevoir le don ou leg ainsi grévé.

Attention à la mise en jeu de la responsabilité de la commune

L’analyse préalable à mener est d’autant plus importante qu’après avoir accepté une donation ou un leg, la collectivité est tenue de mener à bien le projet qui conditionnait le don ou le leg.

Et, s’il s’avère que le projet est abandonné car il génère trop de charges, la responsabilité de la commune est susceptible d’être engagée au regard des conséquences dommageables de l’abandon de ce projet (Cour administrative d’appel de Marseille, 28 juin 2004, Ville de Nice, n°02MA00231). 

La révision des conditions et charges grevant les donations ou legs est possible sous réserve

L’article L. 1311-17 du code général des collectivités territoriales prévoit la procédure de révision des conditions et charges.

Il s’agit, en réalité, d’un renvoi aux articles 900-2 à 900-8 du code civil.

Une révision nécessairement judiciaire

Dès lors, la modification des charges et conditions grevant un bien légué à une commune ou l’aliénation de ce bien ne peut avoir lieu que par décision de justice, dans les conditions et selon la procédure définies par les articles 900-2 à 900-8 du code civil (Conseil d’Etat, 8 janvier 2010, Adrey, n° 322389).

Ce principe est encore rappelé récemment dans une réponse ministérielle (Rép. min. n° 02140,JO Sénat, 17 janvier 2019, p. 268).

La saisine du juge judiciaire est obligatoire, de sorte que même en cas d’accord du donateur ou des ayant-droits et héritiers, toute modification intervenues hors décision du juge judiciaire est illégale (Conseil d’Etat,19 février 1990, Commune d‘Eguilles, n°73923 ou encore, pour la vente d’un terrain légué alors même que le légataire interdisait une telle vente, TA Cergy-Pontoise, 22 janvier 2013, n°1201854).

Donc la modification des conditions et charges de la libéralité accordée à une commune est possible mais sous réserve, premièrement, d’être autorisée par l’autorité judiciaire.

Cette demande ne peut intervenir que dix années après la mort du disposant ou, en cas de demandes successives, dix années après le jugement qui a ordonné la précédente révision (article 900-5 du code civil).

Une révision nécessairement circonstanciée et justifiée

Deuxièmement, la simple volonté d’obtenir la modification des conditions et charges qui grèvent un don ou un leg ne suffit pas.

Encore faut-il être susceptible de démontrer que, par suite d’un changement de circonstances, l’exécution en est devenue soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable.

La charge de la preuve incombe, naturellement, à celui qui sollicite la révision (Cour de Cassation, 1ère civ., 25 janvier 2005, n°02-20.973). 

Comment faire pour apporter la preuve du « changement de circonstances » ?

Il faut, notamment :

– démontrer les diligences accomplies pour tenter d’exécuter les obligations (Cour de Cassation, Chambre civile 1, 6 avril 1994, n° 92-12.844) ;

– expliquer le changement de circonstances (politique, budgétaire, …).

Une telle démonstration doit nécessairement être pragmatique et précisément étayée car le magistrat judiciaire est, d’expérience, très rigoureux en pareille situation.

Une révision nécessairement dans l’esprit de la volonté du disposant

L’action en révision ne consiste pas seulement à obtenir l’abolition des conditions et charges.

Il peut également s’agir de transformer les conditions et charges tout en respectant la volonté du disposant.

En effet, de jurisprudence constante, le juge saisi d’une demande de révision de l’objet de la prestation grevant une libéralité doit seulement s’inspirer de la volonté du disposant pour apprécier les modifications à apporter à cet objet, sans être tenu de la respecter (Cour de Cassation, 1ère civ., 25 janvier 2005, n°02-20.973).

Autrement dit, dans cet esprit, le juge judiciaire a le droit d’interpréter les conditions et charges grevant une donation ou un leg à la sauce réaliste.

Partant, alors même que la vente d’un bien donné ou légué serait interdite, il pourrait être envisagé d’obtenir du juge judiciaire l’autorisation de procéder à une telle vente sous réserve d’affecter le produit de la vente conformément au souhait du disposant.

Il s’agit, donc, effectivement, d’obtenir l’autorisation judiciaire de modifier substantiellement les conditions de la libéralité mais dans l’esprit de la volonté initiale du disposant. 

Notre conseil pratique

Vous l’aurez compris à la lecture de ces quelques éléments, le don ou leg à une commune peut, en réalité, constituer des opérations catastrophiques, eu égard aux coûts qui peuvent en découler.

Dès lors, avant d’accepter un don ou un leg, il convient d’être vigilant pour ne pas s’enfermer dans une situation inextricable.

Si bien évidemment, la révision des conditions de la libéralité est toujours possible, elle résultera d’une longue procédure judiciaire nécessairement coûteuse et soumise à un aléa.

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